Mon parcours artistique depuis le jour
où mes parents ont accroché un tableau dans le salon…

(une scène de sous-bois aux mousses abondantes traversée par un ruisseau)

Cette peinture à l’huile d’un artiste méconnu, omniprésente dans mon quotidien, insuffle en moi cet amour de l’art et ce désir de m’exprimer visuellement, qui depuis continuent de m’habiter.

À l’école primaire, les séances de peinture sont une joie, et le privilège d’avoir mon œuvre accrochée au mur, suscite chaque fois, dans mon âme d’enfant réservée, une fierté secrète. 

Par contre, les cours d’Art au collège sont décevants et quasi inexistants. Certaines camarades de classe assistent à des ateliers artistiques les mercredis… je les envie.

Au lycée, n’ayant aucune orientation et ignorant l’existence d’une section ‘dessin’,  je suis un cursus littéraire et satisfais mon besoin artistique dans le théâtre, la poésie et la visite de quelques galeries. 

1978 - Une révélation

L’exposition des lithographies de Marc Chagall au musée d’Art Moderne de Céret est une révélation. Sa poésie visuelle me touche profondément. Au contact de cet univers onirique et surréel, nimbé de sacré, une évidence se manifeste. Dès lors, je rêve dessins, secrets de peinture, matières où l’on plonge les mains…

Au baccalauréat, j’obtiens une note tout à fait inattendue en option Arts Plastiques.  Cela m’encourage et je souhaite m’inscrire aux Beaux Arts de Bordeaux. Mais la réaction parentale est prohibitive. Artiste, ce n’est pas un métier ! 

En Histoire de l’Art, à l’université, j’étudie ce que font les autres. À mon grand bonheur, j’ai accès à des cours d’Arts Plastiques. Les vendredis après-midi se passent dans une pièce aux volets fermés. Pendant des heures nous faisons des ‘gris’, au crayon mine de plomb, copiant assidûment des objets blancs, fortement éclairés, avec des jeux d’ombre et de lumière. Il y a aussi les cours de peinture et de techniques d’expression où j’apprends beaucoup. Déjà la nature est source d’inspiration. J’ai toujours au fond d’un carton une sorte de jeu de l’oie, que j’ai créé avec des photos d’arbres et des peintures inspirées par ces photos. 

1982 - Des perspectives nouvelles s'ouvrent, j'explore

Je viens de me marier à un anglais, et je quitte Bordeaux pour la banlieue ouest de Londres. Je découvre l’existence d’un système fabuleux de formations pour adultes notamment dans le domaine artistique. Ma semaine se remplit de cours de dessin, de peinture, de sculpture et de gravure. Ces cours sont donnés par des artistes qui transmettent leur savoir avec passion. Je leur dois beaucoup. 

À Putney, les cours de dessins avec modèle proposent une formation très riche, comparés aux ‘gris’ laborieux de mes années universitaires. L’enseignement exceptionnel que je reçois me servira plus tard, lorsque, à mon tour, je proposerai des cours de dessin. 

À Richmond, je découvre la sculpture, et surtout le modelage. Toucher la matière, la transformer, la faire vivre sous mes doigts m’enchante. Dans un petit atelier à part, il y a un jeune homme qui crée des petites sculptures en métal. J'observe les bouts de métal qui se collent les uns aux autres avec la chaleur, cela me fascine. Le jeune homme me fait faire la première soudure de ma vie, je suis conquise. 

L’apprentissage des différentes techniques de l’estampe est une autre aventure fascinante. Guidée par Ingrid Allen, qui devient mon amie, j’essaie tout : monotype, eau forte, pointe sèche, aquatinte, manière noire, gravure sur lino et bois, lithographie… Mais vraiment, la découverte de la collagraphie est le point de départ de ma passion pour l’estampe. Cette technique réunit tout ce qui me séduit : matières, couleurs, reliefs et des possibilités d’expérimentation infinies.

Pour me rendre aux ateliers de Richmond, je traverse quelques kilomètres de parc à vélo. Le magnifique environnement naturel avec ses arbres centenaires nourrit mon inspiration d’artiste en herbe.

1983 - Un rêve se réalise, je forge mon avenir

Admise à l’école d’Arts de Saint Martin’s à Londres, je me retrouve en plein cœur du bouillonnement artistique et culturel de l’époque !  

Nous sommes une trentaine à intégrer un nouveau cours à temps partiel qui mélange théorie et pratique de l’art. Nous n’avons pas de coin d’atelier fixe. Ma maîtrise de l’anglais est encore à l’état embryonnaire, je ne comprends guère les discours théoriques. À mon goût nous parlons trop. Je veux faire… faire… faire… !

Je découvre avec émerveillement l’atelier ‘métal’ au sous-sol du bâtiment. Il est vide, l’assistant s’ennuie. Parfois deux filles du département de sculpture descendent pour forger des blocs énormes de métal. Le fait que ce soit des femmes, ainsi que la taille et l’incandescence des blocs m’impressionnent au plus haut point. Me revient en mémoire cette phrase de l’assistant : « Quand c’est chaud, c’est comme du beurre ! ».

Un an plus tard, après une formation accélérée en soudure et découpe du métal je m’installe au sous-sol. J’ai à ma disposition un atelier permanent, un assistant privé, tout un outillage et des tonnes de métal à couper, forger, souder. Dans ce lieu sombre, désert, à l’odeur de ferraille, naît ma passion pour le travail du métal qui va me suivre pendant des années. 

En 1985, j’intègre la section sculpture. De nombreux artistes déjà renommés (Philippe King, Richard Long, Gilbert & Georges, Richard Deacon, Zadok Ben-David…) en sont issus, et l’idée de fouler le même sol qu’eux me flatte.

Etre dans une Ecole d'Art m'apporte de nombreuses opportunités. Je profite du suivi pas à pas des professeurs/artistes et de l’émulation collective. J'ai à ma disposition un ensemble d’outils, de machines et de matériaux, je peux me former à différentes techniques. Malgré tout, j’ai jeté mon dévolu sur le métal. Il me faut apprivoiser la forge. Aux gros blocs je préfère découper des formes au chalumeau dans des plaques d’acier dont je travaille la surface afin de l’animer. Les couleurs de cet acier, chaud ou froid, me délectent tout comme celles, automnales, de la rouille. 

La découverte du travail d’Andy Goldsworthy dans une petite galerie à proximité de l’école marque une nouvelle étape : l’introduction dans mon travail  de pierres, de schistes notamment, seules ou timidement associées au métal. 

Lors d’un voyage en Écosse en début d’automne, je suis émerveillée devant la beauté de cette nature sauvage aux arbres couleurs de feu. Elle déclenche en moi une inspiration qui grandira tout au long de ma carrière d’artiste. 

Show de fin d'étude 

En 1988, à la sortie des Beaux Arts, je retrouve l’atelier d’estampes à Richmond et j’aménage un atelier collectif avec trois amies à Forest Hill. J’installe forge et enclume au premier étage. Le propriétaire est ferronnier. Nous peignons souvent des rambardes à l’antirouille ou faisons quelques soudures pour payer notre loyer. Au bout de cette impasse, l’impasse Havelock Walk, Jeff Lowe, un sculpteur et ami a déjà un atelier. C’est le début d’une communauté d’artistes et d’artisans, qui aujourd’hui s'est développée dans toute la rue. 

Viennent les premières commandes, notamment une installation murale en fer forgé pour le groupe d’assurances Prudential dans le quartier City à Londres. Puis, pour le groupe d’assurances Unum, à Dorking, je réalise une sculpture : association de fer forgé et vieilles poutres de chêne, venant du bâtiment pour lequel l’œuvre est destinée.

Expositions de sculptures et estampes, commandes, l’envolée est belle. Entre temps ma situation familiale avait changé…

1993 - Tout est à refaire…

En 1993 je rentre en France, dans l'Aude, avec un mari iranien violoniste et notre petite fille de deux ans et demi, Roseanne.

L’adaptation est lente et difficile. Je me retrouve dans un désert artistique. Tout est à reprendre à zéro : atelier, réseau, moyens de subsister… Quelques mots prononcés par Jeff Lowe avant le déménagement de mon atelier me rassurent : « Tu verras, tu resteras des mois, peut-être même plus, sans atelier, sans pratique créative, continue… sois patiente…» 

Après deux ans d’instabilité, nous nous installons dans un village au sud de Carcassonne, dans l’Aude. 

Le sous-sol (encore un) de la maison, accueille forge, enclume, ferraille, schiste de Blanau Festiniog (carrière en Pays de Galles), outillage, tout ce qui dormait depuis deux ans dans une cave. 

La solidarité entre artistes graveurs, très rares dans cette région, me permet d’avoir accès à des presses en attendant de m’en procurer une. 

Ma deuxième fille, Sarah, naît en 1996. Me voici confrontée au problème de l’artiste, mère de famille avec un mari musicien souvent absent. La maison, les enfants, le travail (je commence à faire des ateliers d’art dans les écoles), la création, les expositions : il faut jongler !

Au début, les expositions se résument à des stands de ‘marchés de l’artisanat’, entre pâte à sel et foie gras… 

Dans les années qui suivent, les actions culturelles et artistiques se multiplient dans la région, grâce à de nombreux artistes qui se mobilisent. Nous sommes motivés pour faire vivre l’art en milieu rural et le rendre accessible au plus grand nombre. 

2005 - Une renaissance

Je participe à une exposition collective dans le magnifique jardin botanique de la Bouichère à Limoux. Je montre pour la première fois mes œuvres en extérieur, certaines sont conçues spécialement pour le lieu. Travailler dans la nature, tenir compte de l’environnement dans la conception est presque nouveau pour moi ("presque" car en 1989 j’ai réalisé une installation en pierre dans un domaine viticole de la région, encore très influencée par A. Goldsworthy).

Mon travail est inspiré par la nature et notre relation à celle-ci. L’utilisation de matériaux collectés (bois et pierres) est de plus en plus fréquent, souvent en association au fer forgé. Cependant les pièces exposées dans le jardin sont créées à l’intérieur de l’atelier puis mises en place sur le site.

A l'automne, je conçois et met en œuvre avec deux amis plasticiens la manifestation ‘Au Fil du Bois’ qui devient annuelle. C’est un défi artistique et social. Six artistes, dont nous faisons partie, installent leur atelier dans le bois pendant une semaine. Ils utilisent les éléments naturels trouvés sur place, mis à part quelques matériaux non polluants tels que clous et ficelles, pour créer leurs œuvres qui sont laissées sur place et retournent à la nature. À la fin de cette semaine d’immersion dans le bois, le public est invité à cheminer le long d’un parcours jalonné d’installations artistiques avec musiques, histoires contées, etc…

En 2006, La Maison des Arts à Bages (Aude) accueille l’ensemble de mes œuvres, sculptures et estampes, dans le cadre du festival Identi’terres. 

Suit une exposition en extérieur à l’Abbaye de Villelongue, Saint Martin le Vieil (Aude).

Depuis 2003, j’enseigne les arts à l’École d’Arts de Carcassonne. Je souhaite introduire une nouvelle discipline, le dessin de nu. Très difficile à faire accepter, les responsables sont persuadés qu’une flopée de voyeurs viendra aux cours… J’argumente que toute école d’Arts digne de ce nom doit proposer un cours de dessin avec modèle et réussis à ouvrir ce cours, qui existe toujours aujourd’hui.

En 2006-2007, je dispense des ateliers de dessin et peinture en milieu pénitencier à la maison d’Arrêt de Carcassonne. C'est une expérience humaine très riche. 

2007 - Traversée

En automne 2007, un drame bouleverse ma vie. Roseanne, ma fille aînée, disparaît tragiquement. À ce moment mon mariage est déjà déchiré. Sarah, la cadette, a intégré depuis le début de l’année une école de musique internationale près de Londres. Je quitte tout, travail, maison, atelier, et je pars pour l’Angleterre pour être près d’elle. J’y reste deux années. 

Pendant ce séjour particulièrement douloureux, je développe une série de dessins à la mine de plomb et crayons de couleurs d’une façon tout à fait nouvelle. Ces dessins sont une transcription de visions éveillées très fortes, que je prends soin de noter sur un carnet avec des croquis et des détails écrits. C’est une manière de garder ces visions intactes dans ma mémoire . J’essaie d’y être le plus fidèle possible à travers les dessins. Une des premières visions a été prémonitoire du drame. 

Ce sont des heures et des heures de minutieux travail, qui m'aident certainement, en partie, à surmonter cette épreuve. 

Retour en France en 2010. Mon nouveau compagnon, à qui je dois beaucoup dans cette traversée ténébreuse, propose de nous installer à Collioure (Pyrénées Orientales) pour y ouvrir un atelier/galerie. C’est une façon positive de reprendre contact avec le monde et de me reconnecter avec mon passé artistique. J’installe donc un atelier avec la presse et tout le matériel nécessaire. J'accroche des estampes aux murs et dispose quelques sculptures. Ces sculptures sont devenues comme quelque chose qui ne m’appartient plus. Je ne me reconnais plus dans ce travail. Elles appartiennent à une autre vie. Pendant les six mois de cette saison, je travaille d’arrache-pied et reprends confiance à travers les contacts et les nombreuses ventes. 

En 2011, je rejoins un collectif d’artistes, l’Atelier 18, toujours à Collioure et toujours en faisant suivre ma presse pour travailler sur place. Je recommence à participer à des  expositions. 

2015 - Création de l'Atelier de la Place

J'installe ‘L’Atelier de la Place’ à Espéraza. C’est encore aujourd’hui un lieu où est exposée en permanence une partie de mon travail et où je propose des stages. Il est ouvert au public le dimanche matin, pendant les heures du marché dominical. 

En 2016, j'ai l’opportunité d’exposer dans une grande salle. Cela m’incite à créer des œuvres plus ambitieuses. L’intégration du bois dans l'une d’entre elles est une approche nouvelle. L’appel de la sculpture, que j’avais mis en retrait,  se fait sentir, mais le fer forgé fait bien partie de l’histoire. 

En 2017, l’Atelier 18 ayant fermé ses portes, j’installe un nouvel atelier, à l’écart de la foule estivale. C’est un lieu idéal pour la création. Là je donne des stages d’initiation à la collagraphie. 

J'expose en novembre, invitée par une amie artiste de longue date, dans un contexte d’ateliers portes ouvertes. Pour commémorer la disparition de ma fille dix ans auparavant, je réalise ‘Novembre’. Dans cette œuvre où bois et papiers se mêlent, l’estampe devient presque tridimensionnelle. 

Fin 2018, le climat artistique à Collioure devenant pesant, je tourne la page. Depuis, je vis et travaille dans la Haute Vallée de l’Aude. 

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